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La mort de Frédéric Edelmann, journaliste au « Monde » et militant de la lutte contre le sida

« Si je passe l’an 2000, je fais un truc impossible, j’apprends le chinois. » Frédéric Edelmann n’a pas seulement appris le chinois. Pendant une quinzaine d’années, il s’est fait le chroniqueur des mutations urbaines de cette Chine, qui était en pleine réinvention d’elle-même au tournant du XXIe siècle – l’effarante dynamique de démolition du patrimoine et de bétonnisation à grande échelle, l’émergence d’une génération d’architectes qui, pour la première fois, allait accéder à la célébrité mondiale, le chantier pharaonique des Jeux olympiques de Pékin… Il consacra à la Chine des dizaines d’articles dans Le Monde, dont il animait la rubrique architecture depuis 1977, deux expositions à la Cité de l’architecture et du patrimoine, plusieurs livres… Sur ce terrain comme sur tant d’autres, il aura été un passeur clairvoyant, doublé d’un lanceur d’alerte.
Frédéric Edelmann est mort jeudi 25 janvier, à Paris, à l’hôpital Saint-Antoine. Il avait 72 ans. L’architecture, le journal Le Monde, la lutte contre le sida furent les trois grands piliers de sa vie, une vie de passion et d’engagement qui lui aura offert deux grands amours : Jean-Florian Mettetal, jeune médecin ombrageux et beau comme un dieu rencontré quand il était encore étudiant (mort du sida en 1992), et Caroline Bagros, une femme à l’esprit libre, au caractère bien trempé, qui travaillait pour la Caisse des dépôts sur le projet de la Grande Arche de La Défense lorsqu’il l’a rencontrée à la fin des années 1980.
La perspective d’apprendre le chinois en l’an 2000 l’a longtemps « aidé à vivre », comme il disait. Jusqu’à ce qu’il se pense irrémédiablement condamné. En mai 1996, Frédéric Edelmann n’avait plus de défense immunitaire. Il avait mis de l’ordre dans ses affaires, accordé un entretien testament à Philippe Mangeot, militant et futur président d’Act Up, pour le Journal du sida. Si les trithérapies n’étaient pas arrivées sur le marché dans les jours qui ont suivi, il serait mort avant l’été. Les effets secondaires étaient alors d’une brutalité difficilement imaginable, mais les médicaments l’ont sauvé. Et son intervieweur, qui a depuis cosigné le scénario du film 120 Battements par minute, de Robin Campillo, parle de lui aujourd’hui comme d’« un des plus grands héros du XXe siècle ».
En 1984, Frédéric Edelmann a répondu à l’appel lancé par Daniel Defert après la mort de Michel Foucault, son compagnon. Une lettre publiée dans le journal Libération qui se terminait par cette phrase poignante au sous-texte révolutionnaire – « Je ne retournerai pas mourir chez maman » –, et annonçait son projet de fonder une association d’aide aux malades du sida. Jean-Florian Mettetal a également répondu présent.
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